Histoire du Rongorongo


 

LA PREMIÈRE MOITIÉ DU 20ème SIÈCLE SERA LE TEMPS DE LA LUTTE DES DERNIERS HABITANTS AFIN DE SURVIVRE
ET DE SAUVEGARDER LEUR IDENTITE MAORIE

1900 - 1951

Lorena Bettocchi ©

 


Le 2 février 1901 les natifs reçoivent la visite du père Isidore Butaye durant 7 jours. La population est décomptée dans une lettre du Père : 231 habitants dont 213 natifs : 64 hommes 64 femmes 44 garçons 41 filles – 12 Chiliens du continent, 2 Anglais, 1 Français et un Italien. L’île commence à se repeupler (il n’y avait plus que 111 habitants en 1877) mais la situation morale et matérielle des natifs est alarmante.

1903 * Merlet vend son usufruit à la Compañia Exploradora de la Isla de Pascua, une société par actions et bientôt la majorité des valeurs sera rachetée par la compagnie anglaise Williamson et Balfour. La terre est dévastée par l’élevage intensif des moutons.


1903 * Le 25 novembre, le British Museum de Londres fait l’acquisition d’une petite tablette. C’est Monsieur F. Godsell qui l’a vendue. Il la détenait de son père. On ne sait dans quelles circonstances la famille en était devenu propriétaire.



 

La petite tablette de Londres. Courtoisie British Museum – Londres – Pas de datation
 


Le 13 avril 1911 à Rapa Nui a lieu la première visite du navire-école chilien Baquedano et de son commandant Arturo Sweet. Avec l’équipage se trouve le Presbytérien Zosimo Valenzuela. L’île est restée 10 ans sans un prêtre en permanence. Il reviendra. Par la suite, lorsque la corvette voyagera, elle aura toujours un prêtre à bord.


1914 * Venue à l’île de l’expédition dans le Pacifique de Katharine Routledge. Il s’agit d’une toute première mission reconnue comme scientifique. La britannique est également à la recherche du rongorongo et rencontre des anciens. Elle leur montre une photo de la tablette de Londres.
Son guide Te Haha Ramón né en 1830, lui parle de l’écriture et lui décrit avec force détails les rituels de l’Ariki Nga-Ara et des Maoris rongorongo qui vécurent durant la première moitié du 19e siècle. Lui même y avait assisté. Dans une maison elle trouve un papier avec des signes. On lui dit que l’auteur est isolé car il est atteint d’une maladie contagieuse.

K. Routledge va rencontrer un lépreux, Tomenika A Tea Tea, qui dessine et récite des tau, les rongorongo annuels où l’on chante les généalogies, à la gloire des pères (koro). L’ancien est mourant. K. Routledge écrira que les paroles sacrées sont perdues. Son témoignage sur une culture sinistrée correspond à la réalité vue par les Européens. Elle recueille les dessins de Tomenika a Tea Tea sur support papier et son dernier chant Timo te ako ako. La grande récitation des signes. De l’écriture rongorongo, plus rien ne semble subsister dans la mémoire des Pascuans qui habitent l’île et qu’elle a rencontrés, sinon quelques graphèmes qu’elle va noter dans ses cahiers avec leurs signifiés.

Copie des notes de l’expédition de Catherine Routledge.
Courtoisie Museo Fonck Viña del Mar


K. Routledge est également témoin d’une rébellion des îliens menée par une femme d’exception, Maria-Angata qui désirait sa liberté et celle des siens. Maria-Angata sera instruite en écriture occidentale par un premier groupe de lettrés composés par les Pascuans Puka, Napoléon Te Pihi et son mari Pakomio Maori Ure Kino. Elle-même sera catéchiste. Cette famille va jumeler la tradition des anciens avec les enseignements de la morale chrétienne. Tous sont adeptes de l’enseignement l’écriture.

Avec le catéchiste Nicolas Pakarati, il font partie du premier groupe d‘instituteurs rapa nui qui enseignent aux adultes et aux enfants, aux femmes comme aux hommes.

1914* La guerre éclate en Europe. La tablette Keiti, que Monseigneur Tepano Jaussen avait réceptionnée en 1871, est détruite lors du bombardement qui provoqua l’incendie de la bibliothèque de Louvain.

1916 * A Valaparaiso, Henri Merlet prétend inscrire la moitié de l’île de Pâques en son nom mais les précédents actes n’ayant pas été enregistrés, le gouvernement chilien va refuser.

1916 * Le navire-école Baquedano retourne à Rapa Nui. Son capitaine envoie un rapport alarmant au gouvernement : les natifs sont maltraités et exploités par les dirigeants de la Compagnie Williamson et Balfour qui occupe toute l’île. Le contrat de location sera donc annulé car les îliens avaient été obligés de travailler pour la compagnie. Et le fait qu’ils n’étaient pas libres de circuler sur leurs propres terres aggravera les charges contre la compagnie anglaise usufruitière et le commerçant français Henri Merlet.

1917 * Cette situation alerte le Congrès de la République du Chili qui fait voter une loi spéciale le 29 février  : l’Île de Pâques sera à partir de cette date soumise aux autorités de la marine nationale. Les choses vont évoluer progressivement.

1920 * Le Berenice Bishop Museum de Honolulu en Hawaï USA, enregistre trois tablettes qui proviennent de la collection de JL Young, un habitant de Nouvelle Zélande. Nous ne savons pas qui les lui a procurées. Depuis 1914, ce musée détenait également un bois sculpté de quelques signes. Les photos de ces objets comportant des signes ne sont pas diffusées.

 

        

 


Trois des quatre objets de Honolulu - Relevés de Thomas Barthel
 


1927* A Rapa Nui, le 12 octobre a lieu le décès du « zélé » et très respecté catéchiste Nicolas Pakarati Ure Po Tahi. Il se donna lui-même l’extrême onction et demanda durant la cérémonie que son fils Timoteo prenne sa succession.

1929* Le 15 avril le recensement de la population est effectué par un officier du registre civil : l’île paraît se repeupler. 384 personnes y vivent  (83 hommes, 98 femmes, 106 garçons et 97 filles). Parmi eux treize personnes isolées, malades de la lèpre. A la léproserie, un homme d’exception va continuer le rongorongo : Arturo Te Ao, petit fils de Tomenika a Tea Tea, fils de Tori a Papa Vai. Sur ce recensement figurent deux « professeurs » un homme, Andres Chavez Manu-he-roa et une femme, fille de Pakomio Maori Ure Kino et d’Angata : Mariana Atam Pakomio. Le recensement compte 95 enfants et jeunes gens de 7 à 16 ans décrits comme "écoliers".


1932 * Le fragment de tablette rongorongo ayant appartenu á Monseigneur Tepano Jaussen devient la propriété du Professeur Stephen-Chauvet. Nous savons qu’après sa mort en 1950, il sera cédé à un collectionneur et l’objet fait à présent partie de la collection Arman à New York.

1933 * Une grave épidémie emporte 30 victimes. Timoteo, fils de Ure Po Tahi et cathéchiste en titre tombe malade. Son frère Santiago le remplace et tombe malade également. Matiá Hotu prend la relève. Il n’y a toujours pas de prêtre en permanence.

1934* L’expédition franco-belge avec l’ethnologue Alfred Métraux et Henri Lavachery, archéologue étudiera les pétroglyphes. Arrivée parmi les Pascuans du répertoire de Mgr Tepano Jaussen. Alfred Métraux essaie de connaître en vain les clés du rongorongo auprès des familles Tepano et Pakarati. Il restructure un chant de Ure Vae Iko devant Thomson en 1886. Il s’agit du chant Atua mata-riri mais n’en comprends pas toute la sémantique. Les erreurs d ‘interprétation demeurent.
Recensement de la population par le Docteur Dropkin. 456 habitants. Parmi eux 18 sont désignés comme lépreux, dont 7 enfants entre 11 et 16 ans.

1935 * Une commission d’étude de l’Île de Pâques s’est formée á la Universidad de Chile. Deux hommes sont désignés pour voyager en novembre à Rapa Nui : Humberto Fuenzalida, ethnologue et le Père Sébastien Englert, Missionnaire Capucin de l’Auracania. A Rapa Nui en cette fin de l’année 1935, 453 habitants en tout y vivent. Le sacerdoce du P. Sébastien Englert qui vient de commencer des études linguistiques se prolonge de deux mois en dix mois et le 1er janvier 1937 arrive le bateau de la Compagnie. Le Père Englert se sent enraciné à l’île et n’a pas du tout envie de la quitter en laissant le peuple rapa nui à un triste sort. Mais une lettre lui parvient par ce même bateau qui le nomme très officiellement prêtre de l’Île de Pâques et son sacerdoce durera jusqu’à sa mort en 1969 à 84 ans. Dès 1939 il publiera « Tradiciones de la Isla de Pascua en idioma rapa nui y castellano ». Son premier dictionnaire comporte des mots de langue rapa nui ancienne, du tahitien et des mots nouveaux dérivés de l’anglais, de l’espagnol et du français. La langue ancienne n’existe pratiquement plus à Rapa Nui.
1936 et plus... Les ateliers rongorongo vont reprendre à partir du répertoire de Monseigneur Tepano Jaussen et les souvenirs perpétrés à la fin du 19ème siècle par les anciens encore vivants et leurs enfants.
De séries de pictogrammes connus et gravés sur deux tablettes qui avaient quitté l’île des décennies auparavant vont apparaître sur les lignes des cahiers et des carnet. Les archéologues et scientifique étudieront ces précieux manuscrits par la suite, dont l’Allemand Thomas Barthel qui se spécialisera en sémiologie rongorongo. Ces manuscrits seront publiés en 1965.
Les malades de la lèpre isolés vont travailler à ces ateliers et devenir les informateurs du Père S. Englert et de plusieurs jeunes hommes qui savent écrire, des charpentiers. Ils nous laisseront d’émouvants documents, des manuscrits couverts de graphèmes  découverts par Thor Heyerdahl en 1955, et des pages de récits de leur tradition orale, publiés, nous l’avons noté ci-dessus par le père S Englert.

   
 

Figs 107-108 - The Esteban Atan manuscrit


1937 * A Hanga Hoonu, près des fondations d’une maison détruite, José Pate trouve un objet comportant des traces d’une écriture différente. La tablette appelée « Poike » est confiée au Museo de Historia Natural de Santiago. Elle comporte une forme d’écriture différente du rongorongo classique. Aucune datation n’a été opérée sur ce bois de très forte densité. Est-elle récente ou très ancienne ?

 


1940 * Londres : Après un bombardement la grande tablette de la collection privée de Lord Bywaters disparaît. Nous ne savons rien de sa provenance ni son ancienneté.

En 1947 * Le navire chilien Esmeralda débarque le Capitaine de frégate Carlos Pascual Altamirano. Durant son séjour les restes mortels du frère E Eyraud sont transportés en sa dernière demeure près de l’église. Le dispensaire des lépreux sera restructuré.
Des médecins de l’armée vont venir à Rapa Nui  avec des médicaments pour lutter contre la lèpre qui ne sera en voie d’extinction qu’à partir de 1960. Mais pour l’heure elle continue à contaminer les natifs de l’île. Le rapport du Dr Daniel Camus Gundían en 1947 est très alarmant : 51 lépreux au total dont 30 de moins de 31 ans. Vingt vivent isolés à la léproserie et 31 habitent avec leur famille.


1951* José Imbelloni, argentin, publie une étude des tablettes rongorongo ainsi que la diffusion de l’écriture dans la vallée de l’Indus, la Chine, Ceylan, Java et établit ainsi l’union entre ces écritures orientales.

 

                                         

 

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Le répertoire de Barthel

 

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LORENA BETTOCCHI
 lorena@rongo-rongo.com

 

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