Linguistes   et  lecture du rongorongo

Par Lorena Bettocchi

 

 

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Chapitre VI

Statistiques

Monsieur Konstantin Podzniakov, linguiste

 

Ce chercheur originaire  de Saint Petersbourg, durant un congrès réuni à Bordeaux donna le résultat de ses  statistiques sur l’écrire rongorongo. Il identifia quatre-vingts suites de signes, communes à plusieurs tablettes. A partir de là, il détermina des signes initiaux et trois ou quatre signes secondaires,  pouvant être des ponctuations.  Puis il confronta les statistiques sur les tablettes, aux statistiques sur la langue pascuane. Il constata que la fréquence des signes écrits et celle des syllabes parlées  ont des distributions semblables. Jusque là tout est normal. Son exposé fut très apprécié par les auditeurs du congrès. Mais il conclut que les signes rongo-rongo sont une écriture à base de syllabes et non de mots.  Je cite « Le nombre des signes est trop grand pour que cela soit des éléments alphabétiques et trop petit pour qu’il s’agisse de mots ». 

 Sa conclusion, hâtive, mérite des prolongements. Pourquoi Konstantin s’est-il arrêté en si bon chemin ? Je ne suis pas du tout  de l’avis de Konstantin Podzniakov lorsqu’il affirme  qu’il ne s’agit pas de mots. Bien sûr que si ! Mais a-t-il considéré la langue pascuane ancienne ou la langue pascuane moderne ? A-t-il considéré l’éventualité de dictionnaires  afin de conserver la langue ancienne, la Vananga Tui des îles d’origine ?

Monsieur  Konstantin Podzniakov est également cité sur le web. Il vit en France et enseigne à l’Institut des Langues Orientales de Paris. Mes recherches ont quelque chose en commun avec les siennes. Non pas les statistiques passage nécessaire mais  ce n’est pas ma tasse de thé.  Il s’agit de la morphologie de la langue pascuane ancienne et de la langue marquisienne qui sont des langues orientales : chaque mot, groupe nominal ou groupe verbal, à  souvent une racine mono ou bi-syllabique avec en amont ou en aval une ou deux syllabes. Agglutinées cela donne des mots très longs.

C’est un tort de les écrire de la sorte !  Nous, occidentaux, polluons les langues austronésiennes en formant des mots ou des noms patronymiques excessivement longs ! Toute leur morphologie,  est en voie de déperdition. Décomposés cela donne trois quatre, cinq mots, d’une ou de deux syllabes parfois trois. L’un d’entre eux est le plus important, la racine.  Nous nous éloignons de la sorte du rongorongo.

Mais  Kostantin Podzniakov a  approché les  rythmes propres au proto-austronésien. Mgr Leclea’h, éminent linguiste,  m’a dit un jour : « le marquisien, Lorena, mais c’est du chinois ! » Il plaisantait mais avec raison. Le proto-austronésien vient de l’austro-tai      www.austronesien.com

 

Sémantique

Madame  Irina  Fedorova, anthropologue

 

Irina Fédorova est une compatriote de Kostantin Podzniakov  également de Saint Petersbourg. Il y a  2 tablettes rongorongo dans cette partie du monde... cf diaporama dans www.rongo-rongo.com

Madame Irina Fedorova étudie le rongorongo depuis 20 ans et a publié  dernièrement toutes ses recherches en langue russe, en partie traduites en français par le CEIPP. Elle considéra chaque pictogramme des tablettes du musée Pierre le Grand de  Saint Petersbourg,  chaque figure  séparément selon le répertoire de Barthel  et Irina    fit correspondre un certain nombre de signifiants et de signifiés. Je ne connais pas les nouveautés de sa nouvelle publication.

Son premier travail en  sémantique semblait,  à première vue, et selon les Universitaires Pascuans, du symbolisme intuitif. Elle se sert parfois des dires de Metoro Taua a Ure devant Mgr Tepano Jaussen. Elle travaille en sémantique avec d’autres supports (entre autres le mangarevien, le tahitien, la langue maori de Nouvelle Zélande). Elle recherche donc, dans le rongorongo, le proto-polynésien  ce qui est une approche fort intéressante.

Le travail d’Irina Fedorova est très minutieux mais ses études ne sont pas exhaustives :  les Académiciens Polynésiens, les linguistes du Pacifique, les Universitaires Rapanui  ne  reconnaissent pas la structure du rongorongo antique dans ses traductions.

A mon sens  Irina a  produit des essais en sémantique,  une recherche pointue et pure par conséquent, tout un travail  qui  doit être considéré comme banque de donnés :  pour un signe ou signifiant, elle rencontre plusieurs signifiés.    Cela  correspond  parfois à la structure et à l’étymologie des langues orientales. Irina a terminé ses recherches sur le rongorongo.

 

Observation 5 : Irina Fedorova ne considère pas la tablette du Poike comme tablette classique, ancienne. Cela se justifie et l’explication est sur  http://www.ile-de-paques.com/tomenika_1.htm. La tablette du Poike ou Item Z est une tablette moderne, sans datation, qui se rapproche du premier manuscrit, le  rongorongo tau de Tomenika (1914).
Mais elle fut classée dans les ITEMS  (Z) représentatifs de l’écriture rapanui car elle comportait la première écriture cursive de l’Ile de Pâques. Je serais de l’avis   de l’enlever du Corpus.

 

 

Lecture ou sémantique ?

Monsieur Sergei V : Rjabchikov   

 

Compatriote d'Irina Fedorova, Monsieur Rjabchikov travaille sur des tablettes non encore considérées comme authentiques. Comme par exemple la tablette du Musée de Washington en forme de poisson ou le rei-miro de Sydney. Il fournit des interprétations ressemblant à de la lecture : à un signifiant ou pictogramme correspondrait  un signifié. 

 

Statistiques  

Paul Horley : un  nouvel arrivant dans la recherche du rongorongo  se penche sur  la structure des tablettes

 

 

Parmi les nouveaux chercheurs, après Thomas Barthel qui avait déterminé dans quelle tablette était répété chacun des signes qu’il avait  codifié, et après Konstantin Podzniakov qui avait repéré les répétitions et les rythmes,  un  chercheur se penche à nouveau sur les rythmes des écritures et les méthodes actuelles de mise en page lui permettent de démontrer son travail par l’image.  Paul Horley a publié un travail intéressant en mai  2007[1].   Il a démontré que des séries de glyphes sont répétés dans certaines tablettes. Nous savions tous cela, mais il nous a devancés avec précision  et  c’est formidable…

Ces répétitions, dues probablement à des copies de tablettes antérieures,  ont inspiré  Paul Horley :   il termine son étude par des  rapprochements signes/mots/syllabes, en reprenant  Campbell et Blixen et leurs conclusions sur les kai-kai.  

Paul Horley n’a pas encore complètement assimilé la structure morphologique du rongorongo, comme Jacques Guy et moi l’entendons, c’est-à-dire : un signe peut contenir une série de définitions.  Si le signe est composé, ces définitions obéissent aux règles de la progression géométrique.  Dans sa conclusion, Paul  avance prudemment que certains groupes de signes peuvent contenir des noms de personnes ou des toponymes[2].

Oui, cela est  possible :  je l’avais démontré  sur www.rongo-rongo.com dans méthode Lorena Bettocchi dont j’ai le label sauvegardé par la société des Gens de Lettres en 2004 et par la DIBAM en 2007.   Mais il convient toujours de rechercher d’autres signifiés que des désignatifs de personnes ou de lieu :  il  vaut mieux ouvrir en sémantique, comme on ouvre un compas !

De plus, le rongorongo ancien, la proto-écriture, le tai’o [3],  la grande étude n’a rien à voir avec le kai-kai que nous   connaissons   comme  support de la tradition orale rapanui à partir du 19e siècle. Les avis sont partagés sur l’origine du kai-kai : serait-il ou non rapanui,  car certaines personnes pensent qu’il fut montré à une Pascuane par un matelot.   Toujours est-il que le  kai-kai  Rapanui s’accompagne de mots et de récits précis, le rongorongo non.

 Timo te ako-ako la grande récitation des signes, ce n’est pas un kai-kai, que l’on conte avec des figures de ficelle.

 Ce qui est intéressant  dans le repérage de Paul Horley, démontrée par l’image, c’est la répétition de diverses sections,   ce qui est normal car nous savons que les anciens récitaient en sémantique, donc perpétraient la langue ancienne venant des terres d’origine, comme des dictionnaires aux significations plurielles. De plus, dans les écoles  on recopiait les tablettes (cela se voit notamment sur la rame ou Tahua, item A qui est en Fraxinus excelsior, fresne d’Europe, donc à mon sens gravée à une époque où les significations anciennes étaient lointaines déjà, mais la reproduction des signes perpétrait encore cet art royal rapanui, suivi d’essais en sémantique.

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Note de l’auteur :  Ces pages ne sont pas destinées à porter un regard critique sur les approches du rongorongo durant plus d’un siècle  mais à faire connaître les publications et ce qui fut fait enbien et en moins bien afin que la recherche continue.

 

Chacun  des collègues de Lorena Bettocchi peut écrire ses observations directement à  lorena@rongo-rongo.com. Ces observations si elles sont justifiées seront publiées.

Le Creusot – France 20.08.2007

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 Les publications par deux médecins chiliens, les publications de Lorena Bettocchi au Chili

www.isla-de-pascua.com

www.ile-de-paques.com

 

Mes coordonnées

 

 



[1] Paul Horley Structural analysis of ronorongo inscriptions Rapanui Jounal volume 2- 2007

 

[2] Voir méthode Lorena Bettocchi développée en 2004 sur www.rongo-rongo.com

 

[3] Ecrire se dit tai en rapanui : le tai’o la célébration de l’écriture