Les derniersTuhuka (sages)
La tradition orale s'éteint
par Lorena Bettocchi

Le dernier Tuhuka des Marquises fut assassiné. Cela paracheva l'oeuvre destructrice qui, entre 1862 et 1888, fit violemment souffrir les habitants des îles.

L'abolition de l'esclavage avait rendu prudents les recruteurs au travail forcé. Ils naviguaient impunément dans les îles du Pacifique et "proposaient" des contrats aux hommes qui voulaient partir pour plusieurs années.

Les notions de futur et de temps n'étant pas spécialement expliqués et traduites, de gré ou de force, ils se laissèrent embarquer. Les premiers sur la base du volontariat. Ils furent ensuite enlevés pour rentabiliser l'affaire et contraints au travail forcé comme les prisonniers. Pour voir la traduction cliquez sur l'image ... ce contrat a été lu au Cinqième Colloque International des langues polynésiennes 27 mars 1998 Tahiti

Voici l'un des contrats (à droite et traduction en arrière-plan) entre Mapa y Panca (faux nom et c'était intentionnel !) désigné sous le terme "d'indien' et Don Juan Sasuategui, le capitaine du navire, mandaté par la Société "Seis Amigos" qui recrutait des Polynésiens et les faisaient embarquer pour une destination inconnue... Le contrat le prouve....Il est contresigné par le Gouverneur T. Cantuarias à l'arrivée du navire.

La durée du contrat était prévue pour huit ans. Les Polynésiens furent ensuite séparés et engagés dans des fermes au Chili, au Pérou et dans les îles occidentales d'Amérique du Sud (Îles de la Chincha) recouvertes d'excréments d'oiseaux ; le guano. Ils furent employés pour rentabiliser l'extraction de cet engrais azoté et phosphaté, dans des conditions de travail inhumaines...

L'Île de Pâques et les Îles Marquises furent les plus touchées. Mais toute la Polynésie fut visitée. On recruta principalement les hommes, les plus habiles, les plus capables. Des Tohunga étaient parmi eux ainsi que Kaimakoi l'Ariki Henua. On trompa les Pascuans en leur promettant de les conduire à Hiva. Dès les premiers miles, dès les premières heures de navigation, ils s'aperçurent qu'ils étaient piégés. En saisissant les mots criés par les Marquisiens enfermés dans les cales, ils comprirent que Hiva de la légende d'Hotu Matua, ressemblait à la mort. Certains sautèrent par dessus bord. On leur tira dessus, ils périrent noyés. Un seul parvint à rejoindre l'île à la nage, parce qu'il avait emporté avec lui son flotteur de totora (roseaux des lacs des volcans). Rejeté sur la côte, à demi inconscient, il fut le seul témoin de ce qui s'était passé et de la manière dont on avait traité tous les siens.

......................................................

Des milliers de natifs ne revinrent jamais ou s'ils revinrent, ce fut pour mourir parmi leurs frères. Ils étaient porteurs de graves maladies contagieuses et contaminèrent les villages qui les avaient recueillis. Les paroles anciennes furent perdues. Principalement celles qui représentaient les plus hauts degrés du symbolisme et d'une communication pyramidale. La signification des idéogrammes rongorongo est l'une des énigmes de l'Île de Pâques. Les Pascuans la perçoivent, la connaissent et la portent en eux-mêmes. Ils parlent avec émotion et douleur de ce qui s'est passé au siècle dernier. Toutes les familles ont été décimées. Sans exception.

Extraits de "la parole perdue"

Retour accueil Rongorongo          Voir mes recherches        Mes coordonnées